2010 Chine 11e symposium de sculpture 2 (suite)
Le 11e symposium international de sculpture en Chine, c'est maintenant et j'y suis :
Voir la premiére partie en cliquant ici
Fin Aout
Il pleut sur changchun, le ciel gris et lourd vient embrasser les toits et le bitume en une multitude de fines gouttelettes, empêchant les fumées de l'industrie moderne d'emporter au loin leur lot de poisons pollués et menant la vie dure aux sculpteurs de cailloux.
La température descend rapidement sur une ville triste, triste comme toutes les villes sous la pluie. Les parcs se sont vidés de leurs pétillement coloré, ne reste que les automobiles et les camions, bruyants et encombrants, dans leurs incessants va et vient.
De ma fenêtre-perchoir de 8 étages, je savoure un matin dominical en restant dans ma chambre, au chaud. Malgré cette triste aquarelle délavée, mon morale est au beau, quand j'aurai fini d'essayer de faire de la prose sur mon clavier, je me ferai peut-être un film pour voyager un instant dans un autre lieu, une autre époque et me changer les idées.
Armé d'un peu de courage, j'irai ensuite affronter les ruissèlements urbains jusqu'à la poste pour envoyer à ma princesse un coli de cadeaux qui lui diront de ma part combien je l'aime, petite jeune fille qui m'a transformé en papa maladroit, il y a 14 ans déjà.
A l'inverse de Jonathan qui va juste commencer à tailler son imposant bloc de marbre enfin dégrossi, j'ai pratiquement fini mon œuvre de terre.
Mes assistantes à croupie tout au long de la journée, s'appliquent en gestes calmes et précis, à achever la base qui sera dans quelques jours le haut d'une mappemonde, (exercice que mes genoux défaillants et mon dos douloureux m'empêchent désormais de pratiquer), je ne manque jamais de leur dire qu'elles font du bon boulot, c'est vrai et ça fait toujours du bien d'être un peu valorisé.
Pour ma part, du rap dans les écouteurs, je me trémousse debout sur un banc en taillant l'argile, affinant les formes pour donner mouvement et dynamique à mon « marcheur » et savourant le plaisir de faire ce que j'aime, toujours joyeux et étonné d'être là, dans ma vie d'artiste, invité et payé à faire ce que je veux, quand et comme je le veux, avec en prime le contentement d'apporter un peu de joie autour de moi.
Quelles expériences incroyables.
Je vous fais mentir, vous vous êtes trompés, membres de ma famille, parents et cousins qui au jour de mes 16 ans avez tenté de me couper les ailes, par peur ou par prudence, en voulant me décourager de vivre mon destin de créateur.
Je vous fais mentir et je vous regarde du haut de mon banc, sans colère, sans reproches mais avec une tristesse dans le cœur, à l'image de cette pluie ruisselante, pour ne pas avoir crû en moi, me privant de votre soutient à cet âge où j'en aurai tant eu besoin.
En fait, je devrai vous remercier : se qui ne tue pas un artiste le rend plus fort.
Bon, je vais arrêter là mon monologue mélodramatique, la pluie, finalement, ça ne me réussi pas…
Debut septembre
Et je reste zen...
Seul soucis, avec le retour du soleil, la pièce presque finie commence à se durcir, malgré de très fréquents arrosages, je flirt avec les limites de son élasticité, il faut être vigilant pour ne pas qu'elle se dessèche, elle se craquellerait alors et tomberait vite en morceaux. Suivant les conseils avisés de Catherine, je découvre une combine qui devrait me simplifier la vie : les parties achevées sont recouvertes d'une couche de gras (ici de la vaseline) qui, imperméabilisant la sculpture, gardera l'humidité à l'intérieur.
Je fini les têtes rondes de la petite famille, les yeux et les phares de la voiture Nombre de visiteurs viennent me féliciter pour cette pièce tendre et humoristique qui fait sourire leur enfant intérieur et j 'en suis fort heureux car c'est en pensant aux enfants –petits et grands- que je fais cette œuvre. Je veux qu'elle ressemble à un personnage de dessin animé et c'est pour cela que j'ai choisi de la faire en bleu.
Reste le socle, dans deux jours c'est bouclé !
Sortie 2
Petite sortie de groupe, dés le matin, tout le monde dans les autobus, un bus pour les artistes, un pour les assistants et les interprètes, une guide, fièrement armée d'un micro et d'un drapeau nous drive toute la journée, Bla bla soporifique in English pour nous instruire sur les distances, les nombres d'habitants, les hauteurs des immeubles et autres informations indispensables le temps de nous mener sur le premier site : acheter des copies d' antiquités. Tout le monde descend du bus pour explorer une sorte de marché aux puces et des boutiques, personnellement, j'ai adoré la visite qui n'était pas au goût de tous. J'ai beaucoup chiné (hé hé hé) et marchandé un peu, vu plein de trucs sympas mais presque rien acheté finalement.
Coup de klaxonne, la guide agite son petit drapeau et l'on bus jusque dans un restaurant avec super méga buffet et bière fraiche, que du bonheur. Il faut dire que l'organisation nous gâte, rien à voir avec l'année dernière.
Apres avoir fait bombance, bus de nouveau jusqu'au deuxième site de la journée, un grand parc et une forêt « artificielle » (plantée par l'homme avec plein de clones de sapins en rang d'oignon) Naïf, je me faisais une joie de me promener quelques heures dans la nature, même domestiquée, que nenni : on reste groupir et on visite le parc en bus (avec le conducteur qui roule à fond en klaxonnant généreusement)
Donc, on roule 20 minutes, on descend 15 minutes pour faire des photos, on roule 15 minutes, on descend un quart d'heure faire des photos et ainsi de suite….ok !
La guide, prévenante nous explique à plusieurs reprises comme la nature sauvage qui nous entoure est dangereuse, il y a des ours et même des loups qui n'attendent qu'une chose : que l'un de nous s'égare pour le dévorer !
Je mesure avec tristesse comme les citadins sont coupés de leur mère nature, ils s'emmerdent en forêt : il n'y a pas de télé.
Privée de toute conscience, l'humanité bruyante et polluante n'aura de cesse d'exterminer toute trace de nature sauvage, dangereuse et donc nuisible pour en faire des routes et des parkings, au mieux des parcs et des zoos.
Pour ma part, j'ai bien cherché, pas de loups ni d'ours sous les pare-chocs, deux écureuils, une araignée et des papillons, c'était déjà ça ! Je rentre le soir bien fatigué, avec un bon mal de tête.
Un jour de perdu
Ce matin : visite administrative : huit d'entre nous doivent se rendre à la police pour une extension de visa de quelques jours. Pour moi, naïf, l'affaire serait bouclée en quelques heures, que nenni : dans un brouhaha infernale genre élevage industriel de poulets, nous passons la journée à attendre, remplir un formulaire, attendre, faire des photos, attendre, une demi heure pour ingérer un truc dans un kfc, attendre, donner les papiers et notre précieux passeport, attendre, et rendez vous dans une semaine pour récupérer le précieux avec je l'espère le nouveau visa…Re-mal de tête et une journée à la poubelle. Curieusement, je suis resté très cool, je n'ai même pas râlé…d'autres s'en sont chargés pour moi.
Gargl !
Je l'ai bien reconnu quand il s'est pointé dans l'atelier, le blaireau qui dirigeait la catastrophique équipe de mouleurs (ou plutôt mouleuses) de l'année dernière.
Mister Fan, la plus haute autorité proche de nous était justement en train de me vanter l'équipe de « professionnels » qui viendront de Beijing (Pékin) a partir du 10, mouler nos pièces pour en faire un exemplaire en résine polyester (qui servira de modèle pour faire le bronze).
Jusque là, tout allait bien, mais à la vue de cette tête de truffe posée sur son tee-shirt à rayure, j'ai vu arriver à belle vitesse le dérapage (.Il s'avère que la truffe en question et son équipe sont commanditées par la municipalité de Changchun, si les pratiques sont les mêmes qu'a Tahiti, tout s'explique : plutôt que d'employer de vrais professionnels, le maire choisis un cousin, incompétent certes, mais de la famille).
Usant de mes meilleurs mots en anglais, puis d'un langage plus imagé en Français que Wo Bin à restitué Dieu sait comment, je tente de décrire à mister Fan le massacre de nos œuvres l'année précédente, argumentant que je ne suis pas le seul témoin : Cosmin (talentueux sculpteur Roumain) était présent lui aussi et peut attester de ma bonne foi. Puis j'ai tenté à l'aide de dessins et pliages d'expliquer pourquoi ils avaient tout foiré et comment il faudrait procéder pour éviter de nouveaux déboires. Mister fan, en bon chinois, un sourire rassurant aux lèvres à simulé une attention relative à mes démonstrations agitées, l'accompagnant d'un oui-oui de la tête.
Advienne que pourra, on verra la suite… J'ai malgré tout décelé dans le sourcil droit de Fan un frémissement d'inquiétude, qui me donne un faible espoir, il sait que nous connaissons notre boulot, peut-être nous préservera-t-il des gaffes de l'autre crétin, ou du moins l'incitera-t-il à nous écouter…
Affaire à suivre…
Inauguration
Ce dimanche matin, nous sommes tous invités à une inauguration d'un truc au musée de sculpture, pas très chaud pour ce genre de sortie, je fais un effort pour faire plaisir au comité –et notamment à ce cher mister Fan- parce qu'ils font plein de choses sympas pour nous.
Bus, fleur à la boutonnière, casquette en cadeau, nous poireautons deux petites heures, discours d'officiels (qui ici ont le bon goût de faire court, c'est cool, les français qui aiment tant s'écouter parler durant des heures devrait prendre exemple) et visite de la nouvelle salle du musée en l'honneur d'un célébrissime artiste Chinois. Une demi-journée sans grand intérêt. On nous invite dans un bon restaurant pour midi, merci !
Presque fini
Entre toutes ces journées perdues, je trouve le temps de finaliser ma pièce, nous faisons une « galette » d'argile que je découpe en parts, comme une pizza, sur laquelle je dessine les continents vue coté Chine.
On vient ensuite poser et « coller » cette galette sur la base bombée et l'on découpe les continents. Finitions avec un maximum de soins. Ok ! Reste un coup d'œil général, quelques retouches et je pense avoir fini demain.
Voila, après les dernières finitions, nous enduisons la base de vaseline. Un contrôle général et la signature, «le marcheur » est terminé dans sa version «argile», 2 jours avant la date buttoir.
Nous nous apprêtons à l'emballer soigneusement quand on nous annonce la visite du maire. On attend donc un peu mais la pièce commence à se dessécher malgré le gras et craqueler autour des jambes, ça me rend nerveux, mauvais souvenirs de l'année passée...
La visite du maire est rapide et courtoise, nous pouvons enfin emmailloter l'œuvre en espérant qu'elle ne s'abimera pas trop avant l'épreuve du moulage (qui risque d'être folklo) dans quelques jours.
Apres quelques recommandations très précises, je laisse mon assistante veiller sur la pièce, elle rejoindra un autre groupe pendant les jours qui viennent, et moi, je vais me relaxer, faire du shopping et balader avec Wo Bin loin de la poussière de l'atelier.
Comme Lea ne vient pas et que j'ai du temps de libre, je veux faire un peu de tourisme, j'ai en projet d'aller visiter Xi'an, le site de l'incroyable armée de terre cuite.
13 septembre
Tout va bien mais j'en ai un peu marre d'être toujours au même endroit, du bruit partout, très fort, de la saleté et la pollution de la ville, c'est beaucoup pour un gars qui vit en pleine nature dans le calme d'une ile paumée.
Quand je ne vais pas balader, je passe du temps à l'hôtel, dans ma chambre c'est assez silencieux et propre, JE peins, je m'initie à la peinture chinoise avec les MAUPI et l'encre (de Chine évidemment), c'est très intéressant, j'ai trouvé quelques vieux livres de cours.
Quelque chose de nouveau dans ma vie: une paire de lunettes de vue, eh oui, j'ai la vue qui baisse, c'est l'âge et j'ai profité que c'est moins chère ici pour me faire faire une paire de binocles, et bien c'est super top, en plus, ça ajoute à mon charme et me donne une allure d'écrivain (parait- il). Heureusement, je n'en ai besoin que très peu, juste pour
lire.
Finalement , j'irai à Xi'an début oct. quand nous serons à Shanghai avec Jonathan et sa copine pour quelques jours, ce sera plus prés et je suis de moins en moins motivé pour rester 5 jours dans cette mégapole. Faire la queue des heures pour visiter l'exposition universelle, c'était bien avec LEA mais tout seul, je préférerai surement voyager un peu que tenir la chandelle aux deux tourtereaux.
Au boulot, ils ont commencé à mouler les sculptures en argile qui sont terminées, nos œuvres nous échappent, prise en main par une équipe de Pekin qui parait –heureusement - plus compétente que les amateurs de l'année derniére.
Je vous passerai ici les étapes techniques, pour les curieux, elles sont tres bien expliquées dans mon article de l'an passé.
Je vais par contre vous présenter un peu les travaux de certains de mes collégues : rendez-vous tout de suite page trois.
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