2009 symposium de sculpture en Chine: 3 le voyage Suite
Suite de mes aventures en Chine, pour lire le debut, cliquez ici
Nous réalisons maintenant la base, les deux mains qui s'élèvent vers le ciel sont comme deux arbres, je veux des puissantes racines qui semblent s'enfoncer dans le sol.
Mon équipe qui à priori ne craint pas les odeurs toxiques de résine veulent continuer malgré mes mises en garde, je leur confie donc la pose de plusieurs dizaines de kilos d'argile et quitte les lieux: je viendrai la nuit continuer quand les mouleurs auront fini leur pestilentielle besogne. Un peu de repos ne me fait pas de mal, j'ai les jambes en béton et les pieds en compote.
Quel calme, j'adore travailler la nuit… enfin ici le calme est tout à fait relatif, mais la nuit, sur notre lieu de travail, pas de bruits continuel de compresseurs, camions, coupeurs et perceurs de pierre. Par contre, j'ai droit à la compagnie de quatre veilleurs de nuits qui discutent fort, se raclent la gorge et crachent autour de moi.
Petite parenthèse dégueu: les chinois mâles d'ici pratiquent le crachat comme un sport national, et cela en tous lieux, sur les trottoirs, les sols, les moquettes, les escaliers et parfois les murs.
J'ai de plus en plus de mal à supporter la saleté omniprésente, je souris, je me tais…
Ayant fait provision de sommeil, je suis d'attaque pour une nuit de boulot avec la ferme intention de finir mon œuvre dans les temps, je commence à 8 heures, après le diner mais me voila frustré, coupé dans mon élan à onze heures pour cause que les surveillants doivent faire dodo, et ici, pas question de laisser quelqu'un sans surveillance. Ok, je remballe.
Le cinéma dure encore deux jours, je vous épargne les coups de gueule avec le grand chef et le reste, j'obtiens finalement que les résineux aillent besogner plus loin, et une trêve jusqu'au lundi matin pour que je puisse finir ma pièce sans risquer de cancers.
Curieusement, le bel élan qui avait mobilisé tous les artistes c'est dissout, on s'empoisonne dans l'indifférence générale, je dois passer pour le chieur de service.
Les racines prennent forme, je passe une nuit à tracer des spirales et des cercles sur mes pièces, en pressant tendrement la terre du bout de mon index.
Mon index est tout usé, j'attaque l'ultime étape un dimanche, alors que tous les autres sont partis en voyage organisé (beurk), parole de chef, j'ai la journée pour finir tranquille. Je couvre la surface de plein de formes de vie stylisées, animaux, cellules, humains, plantes…dans l'esprit des peintures préhistoriques ou des dessins aborigènes.
Bien entendu, la trêve n'est pas respectée bien longtemps, pas plus que la parole du chef ou la santé des gens: en début d'après midi déboule une équipe de femme, fibre de verre et tout le reste…je finis rapidement mon œuvre le visage couvert d'un masque filtrant "made in china", furieux.
Voila, signé, FINI ! Je vais m'offrir quelques verres de vodka ce soir et quelques jours de vacances cette prochaine semaine.
Fini pour moi, pour le moment mais pas pour l'équipe de moulage qui prend le relais, ils -ou plutôt "elles" car ce sont des femmes – vont réaliser une reproduction unique de chaque œuvre en résine polyester qui servira plus tard pour la réalisation du bronze.
Un peu de technique:
On insère dans l'argile des petites plaques de métal qui vont former des lignes, les plans de joint, en des endroits judicieux, de façon à diviser le moule en plusieurs parties.
On projette du plâtre sur l'ensemble de la sculpture, environ
Un élément principal du moule reste en place, il est renforcé par des barres de bois qui soutiennent l'ensemble.
Les parties plus petites- délimitées par les plaquettes de métal- sont retirées, créant ainsi autant d'ouvertures par lesquelles on videra le moule.
La terre est retirée, la structure est détruite dans le moule et retirée elle aussi.
Reste dons une grande empreinte de la sculpture en négatif.
On passe du savon ou un produit de démoulage sur les moules pour ne pas que colle la résine.
On pose alors de la fibre de verre –comme du tissus- imprégnées de résine polyester, un liquide qui durcira rapidement.
Nous voila donc avec plusieurs pièces de puzzle en résine, d'environ 2 à
Ces pièces sont assemblées sur l'élément principal-moulé lui aussi.
On brise alors l'élément principal et on obtient "l'épreuve", la copie de l'œuvre originale.
Ouf !
Comme vous pouvez vous en douter, ces multiples manipulations exigent soin et savoir-faire, deux choses qui manquent cruelement ici.
Une "école" avec ses rues, ses restaurants, ses magasins...
Nous avons visité "l'école" de nos assistants (30 000 élèves, oui oui, trente milles), enfin les ateliers de la section sculpture, c'était très intéressant malgré une tentative de nous endormir avec un film d'une demi heure sur leurs activités, des gens qui parlaient en chinois avec sous-titrage en chinois.
L'atelier principal du departement sculpture, exterieur...
Déception pour la plupart des artistes travaillant la terre : les "professionnels" de la résine ne sont pas à la hauteur et les œuvres bâclées sortent avec beaucoup de défauts. Encore une fois, aucun échange possible, les chinois n'en font qu'a leur tête.
Les sculpteurs sur pierre ont eux aussi, pour la plupart, connus d'autres problèmes.
Voila donc que chacun de nous doit rattraper les négligences pour sauver son œuvre, cela se traduit par de longues journées à reboucher, poncer, résiner, polir les pièces …refaire sur de la résine le travail accompli précédemment sur la terre.
J'ai bien dû, moi aussi accepter de m'y remettre pour "sauver les meubles".
Je suis sidéré par la bêtise et l'incompétence des gens qui nous encadrent ainsi que la qualité médiocre des outils mis a notre disposition. Je dois parfois passer bcp de temps a réparer l'outillage qui devrait me servir à travailler.
Je m'en veux ici de râler constamment comme un bon français que je suis et de présenter un tableau si noir de ce symposium, alors, je dois quand même ajouter que malgré la consternation, l'ambiance est excellente entre les artistes ainsi qu'avec bcp de nos assistants et traducteurs. Les journées sont belles, les repas sont bons et l'on a même acquit de plus en plus de liberté pour sortir un peu le soir. (Les trois seules activités ici sont: le marché de nuit, qq clubs de billard et le karaoké.)
Les conditions de travail sont de jour en jour plus difficiles. La priorité des organisateurs est désormais de préparer la place pour la cérémonie d'inauguration, notre atelier a été détruit en deux jours, nous finissons donc le travail dehors, sous le soleil ou la pluie, "protégé" par des morceaux de bâche sous des abris de fortune.
Les outils ont disparus pour la plupart, nous avons une pince pour trente personnes, à l'heure où chacun doit peindre sa pièce, un pistolet pour nous tous à se partager du mieux possible.
Les assistants ont été renvoyés dans leur école, les organisateurs et les ouvriers qui préparent la place n'ont aucune considération, aucun respect pour nos œuvres, on en a même vu un pisser sur une sculpture en cours, il faut batailler pour finir son travail.
Cela ne dégrade pas la camaraderie entre artistes, heureusement!
Pour ma part, après les finitions, je peins ma pièce en marron foncé au pistolet.
Deux jours me sont encore nécessaires pour finir l'effet bronze sur ma copie en résine: je passe une couche diluée de peinture à l'eau vert clair puis je finis la patine en frottant l'ensemble au chiffon, légèrement imbibé de marron.
Cela fait ressortir la texture et les motifs, bon signe: de nombreux visiteurs viennent tapoter les pièces pour les faire résonner: savoir si c'est du bronze ou de la résine.
Je termine les extrémités avec de la couleur or "antique", je suis content du résultat avec le peu de teintes mis à notre disposition.
Je suis surtout heureux d'avoir terminé dans les temps malgré les conditions difficiles.
Demain, après l'inauguration, nous sommes plusieurs à quitter les lieux sans attendre pour Pékin: J'y passerai qq jours avant mon retour au "FENUA", en Polynésie, j'espère découvrir une autre chine, visiter la grande muraille et les jardins de la cité interdite.
Amitié, Gotz
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